Raymond Loewy

« Mon seul regret est de ne pas avoir créé l’oeuf, cette forme parfaite ». Pourquoi l’homme qui a dessiné l’Air Force One du Président Kennedy formule-t’il cet amer constat dans ses mémoires ? Designer de génie, véritable Mad Man, Raymond Loewy a pourtant touché à tout ce qui vole roule ou flotte, dessinant l’identité de l’american way of life et laissant en héritage nombres de logotypes que nous croisons encore au quotidien*.
Né à la fin du 19e siècle, il conçoit à seulement quinze ans un avion propulsé par un simple élastique, il le commercialise l’année suivante. Dix ans plus tard, Loewy s’envole pour les Etats- Unis avec seulement quarante dollars en poche.
Loewy déteste l’expression de la complexité et il s’évertuera tout au long de sa carrière à rendre beaux des objets à l’esthétique très discutable. Il se fait d’abord licencier de Macy’s pour avoir osé proposer une vitrine à la simplicité visionnaire et bien trop rupturiste pour l’époque : un unique mannequin en robe du soir, un vison couché à ses pieds...
Le premier industriel à bénéficier du talent de celui qui dira aussi que « la laideur ne paie pas » est Sigmund Gestetner. Aux rouages complexes et malodorants de l’ancêtre du photocopieur de Gestetner, Loewy oppose une calandre à l’esthétique futuriste pour l’époque. Il dissimule les rouages, l’objet parait simple d’usage et les ventes décollent de même que la carrière de Loewy en tant que designer.
Il vient d’inventer un style le streamlining ou aérodynamisme de formes : parvenir à la beauté par la fonction et la simplification. Une vision partagée par LE GRAMME qui s’attache à exprimer l’essence de l’objet et de la matière dans chacune de ses créations.
À la fois dessinateur, ingénieur, décorateur, psychologue, architecte, publicitaire, Loewy va aborder chacun de ses projets au prisme de cet aérodynamisme formel : le réfrigérateur Coldspot, le paquet de Lucky Strike, l’automobile Studebacker...
Comme bien d’autres réalisations de Loewy, la locomotive de la Pennsylvania Road imaginée pour l’exposition universelle s’inspire bien de l’oeuf, de sa forme ovoïde unique qui permet à toute force exercée de se répartir sur l'ensemble de la coquille. Une répartition des forces d’ailleurs déjà constaté par les architectes du Moyen-Âge et qui avait généré les croisées d'ogives dans les églises. Bien que croyant, Loewy ne dessina pourtant pas d’église, de même que les cercueils ou les grenades qui étaient selon lui les deux seuls objets qu’on ne peut redessiner.